- May 22, 2025
- Posted by: humanitarianweb
- Category: Humanitarian News
Le Costa Rica devrait aider les ressortissants de pays tiers et refuser de futurs transferts
(Washington, 22 mai 2025) – Les États-Unis devraient proposer de rapatrier et d’examiner les demandes d’asile d’environ 200 ressortissants de pays tiers, dont des enfants, expulsés illégalement vers le Costa Rica en février, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Le Costa Rica devrait pour sa part refuser d’autres transferts vers son territoire de citoyens de pays tiers expulsés par les États-Unis.
Le rapport de 67 pages, intitulé « ‘The Strategy Is to Break Us’: The US Expulsion of Third-Country Nationals to Costa Rica », ) « “La stratégie est de nous briser” : L’expulsion par les États-Unis de ressortissants de pays tiers vers le Costa Rica »), documente les expulsions américaines, intervenues après que le gouvernement américain a maintenu des migrants et des demandeurs d’asile dans des conditions de détention abusives – parfois pendant des semaines – tout en les privant du droit à une procédure régulière et du droit de demander l’asile. Le rapport détaille également la détention arbitraire, pendant des mois, de ressortissants de pays tiers expulsés par le États-Unis vers le Costa Rica, ainsi que les messages contradictoires que le gouvernement costaricien a transmis à ces ressortissants.
« Il est répréhensible d’abandonner des familles dans un pays qu’elles n’ont jamais choisi, en l’absence de procédure régulière et sans se soucier de leur sécurité », a déclaré Michael Garcia Bochenek, conseiller juridique senior auprès de la division Droits des enfants à Human Rights Watch. « Le Costa Rica et les États-Unis devraient immédiatement permettre à ces personnes de demander l’asile là où elles se sentent en sécurité. »
Le Costa Rica a accueilli 200 demandeurs d’asile et migrants expulsés des États-Unis, dont 81 enfants âgés d’un an à 17 ans. Leurs pays d’origine étaient l’Afghanistan, l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Chine, l’Iran, l’Ouzbékistan, la Russie, la Turquie, le Vietnam et le Yémen. Parmi elles, 97 personnes sont déjà rentrées dans leur pays d’origine dans des circonstances qui remettent en question le caractère réellement volontaire de leur choix, et six se sont évadées du centre costaricien pour migrants où elles étaient détenues. 30 autres personnes ont déposé une demande d’asile au Costa Rica.
Aucun des deux gouvernements n’a rendu publics les détails de l’accord d’expulsion. Annonçant la décision d’accepter les deux vols le 20 février, le président costaricien Rodrigo Chaves a déclaré : « Nous aidons notre frère économiquement puissant du Nord [les États-Unis] ; s’ils imposaient une taxe dans nos zones franches, ils nous pourriraient la vie. » Chaves et d’autres responsables costariciens ont affirmé que les États-Unis prenaient en charge les frais de séjour au Costa Rica des personnes expulsées.
Des responsables costariciens ont affirmé que ce pays servait de « lieu de transit » (« punto de tránsito ») vers les pays d’origine des personnes expulsées. Le 20 février, Omer Badilla, vice-ministre de l’Intérieur et directeur de l’autorité migratoire du Costa Rica, a déclaré : « D’après les informations que le gouvernement des États-Unis nous a fournies, la grande majorité, presque toutes ces personnes, souhaitent retourner dans leur pays d’origine. »
Toutefois, entre le 1er mars et le 30 avril, Human Rights Watch a mené des entretiens avec 36 personnes qui ont affirmé qu’elles seraient exposées à de graves risques pour leur vie ou leur sécurité si elles étaient renvoyées dans leur pays d’origine, et que c’était le cas de nombreuses autres personnes également transférées au Costa Rica. Plus de deux mois après leur transfert vers le Costa Rica, près de la moitié des 200 ressortissants de pays tiers expulsés des États-Unis sont rentrés dans leur pays d’origine. Ceux qui ont accepté de rentrer l’ont fait après avoir été détenus aux États-Unis dans des conditions abusives, avoir été expulsés et détenus de force au Costa Rica, et avoir reçu des messages contradictoires de la part des autorités costariciennes quant à leurs options. Tout cela soulève des questions quant au caractère véritablement volontaire de leur décision de retourner dans leur pays d’origine.
À l’exception de deux individus, toutes les personnes interrogées par Human Rights Watch ont déclaré n’avoir eu aucune possibilité, pendant leur séjour aux États-Unis, d’expliquer les raisons de leur crainte de retourner dans leur pays d’origine. La législation américaine autorise souvent des renvois dans le cadre d’une procédure appelée « expulsion accélérée » (« expedited removal ») ; néanmoins, les personnes qui demandent l’asile ou expriment des craintes de retour dans leur pays d’origine devraient avoir accès à un entretien afin d’évaluer le critère de « crainte crédible » (« credible fear »).
Des agents du Service des douanes et de la protection des frontières des États-Unis (Customs and Border Protection, CBP) ont séparé certaines familles lors de ces expulsions. Dans un cas, le CBP a séparé les membres d’une famille afghane, envoyant une femme au Panama, gardant son mari et son frère de 19 ans aux États-Unis, et envoyant sa sœur, son beau-frère et son neveu – un bébé âgé de 14 mois – au Costa Rica.
Les autorités costariciennes ont au début répété à plusieurs reprises que les seules options dont disposaient ces personnes étaient soit de retourner dans leurs pays d’origine, soit de se rendre dans un autre pays qui les accepterait.
Toutefois, le 26 mars, les autorités costariciennes ont informé ces personnes pour la première fois qu’elles pourraient demander l’asile au Costa Rica.
Certaines personnes ont par ailleurs indiqué à Human Rights Watch que les autorités costariciennes leur avaient demandé de lister les pays où elles souhaitaient s’installer, ce qui avait suscité l’espoir qu’elles seraient rapidement réinstallées dans le pays de leur choix.
Entre fin février et le 23 avril, les personnes expulsées par les Etats-Unis étaient détenues au Centre d’accueil temporaire des migrants (Centro de Atención Temporal de Migrantes), situé dans la province de Puntarenas, à environ 300 kilomètres de San José. Les motifs de leur détention ne sont pas clairs : aucun n’est accusé d’un quelconque crime, tous sont entrés au Costa Rica avec la permission du gouvernement et ils ont eu un statut temporaire valide au Costa Rica pendant toute la durée de leur séjour.
Le 23 avril, les autorités costariciennes de l’immigration ont commencé à restituer à ces personnes leurs passeports, et les ont informées qu’elles pourraient obtenir un permis humanitaire spécial d’une validité de 90 jours, leur permettant de demander l’asile au Costa Rica ou de quitter le pays. Elles sont désormais autorisées à circuler librement dans le pays.
Pour remédier partiellement au préjudice causé par deux mois de détention arbitraire, le Costa Rica devrait fournir immédiatement certaines prestations à tous les ressortissants de pays tiers souhaitant demander l’asile, selon Human Rights Watch ; il s’agirait notamment d’un permis de travail et d’une aide au logement, et si besoin d’une formation professionnelle, de cours de langue et d’une aide à la recherche d’emploi,.
« La complicité du Costa Rica dans les expulsions abusives des États-Unis a terni son honorable tradition d’accueil des réfugiés », a conclu Michael Bochenek. « Mais il n’est pas trop tard pour réparer ce tort : le gouvernement pourrait accorder des réparations significatives aux personnes dont il a accepté l’entrée sur son territoire. »
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